Circonstances exceptionnelles faisant échec à l’indemnisation des passagers

Dans une jurisprudence datée du 12 septembre 2018, la Cour de cassation donne une espèce relevant de la notion de circonstances exceptionnelles (n° 17-11-361).

Deux passagers d’un vol Easyjet Bordeaux – Nice avaient subi un retard de plus de 5 heures.

Ce retard était dû à la foudre qui avait frappé l’aéronef alors que l’appareil était au sol, rendant nécessaire une inspection afin de s’assurer qu’il n’était pas endommagé et remplissait toutes les exigences de sécurité.

Finalement, un avion de remplacement avait été sollicité, allongeant encore l’attente des passagers du fait du nombre de formalités à remplir.

C’est ainsi qu’ils saisissaient le juge de proximité de Bordeaux aux fins d’indemnisation.

Cependant, ils sont déboutés.

Un pourvoi est régularisé devant la Cour de cassation.

L’exonération d’indemnisation du fait de “circonstances extraordinaires

La Cour rappelle qu’il existe une possibilité d’exonération d’indemnisation de la part du transporteur aérien.

En effet, c’est le cas de “circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises” visés à l’article 5 § 3 du règlement 261/2004.

Il existe notamment des précédents européens en la matière.

Ainsi, sont considérées comme tels “les événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent à la maîtrise effective de celui-ci” ; l’arrêt Wallentin-Hermann du 22 décembre 2008 avait consacré cette interprétation.

Dans cet arrêt, la CJUE avait indiqué que les juridictions nationales avaient la latitude pour décider si les pannes techniques relevaient de circonstances extraordinaires puisque rien ne permettait de l’exclure ni de le retenir catégoriquement.

D’autres sont venues la confirmer.

Plus encore, si le transporteur veut s’exonérer de ses obligations d’indemnisation, le transporteur aérien doit “établir que, même en mettant en œuvre tous les moyens en personnel ou en matériel et les moyens financiers dont il disposait, il n’aurait manifestement pas pu, sauf à consentir des sacrifices insupportables au regard des capacités de son entreprise au moment pertinent, éviter que les circonstances extraordinaires auxquelles il était confronté ne conduisent à l’annulation du vol ou à un retard de ce vol égal ou supérieur à trois heures à l’arrivée” (arrêt Pešková et Peška).

La charge de la preuve repose donc sur le transporteur aérien.

C’est donc une véritable démonstration à laquelle il doit se prêter.

Des précédents faisant échec à la notion de “circonstances extraordinaires

A l’inverse, ne sont pas considérées comme de tels évènements “intrinsèquement liés au système de fonctionnement de l’appareil” (arrêt Van der Lans).

Par ailleurs, nous nous étions penchés ici sur la grève sauvage ; il a été jugé que cela ne constituait pas des “circonstances extraordinaires“.

Un nouveau précédent de “circonstances extraordinaires

La Cour de cassation confirme le jugement de rejet du juge de proximité de Bordeaux.

En effet, le transporteur aérien a fait valoir que l’aéronef avait été foudroyé à 8h39 le matin du vol.

En dépit du fait que le vol des passagers était à 13h45 pour une arrivée à 15h05 – lequel avait subi plus de 5h30 de retard, l’appareil avait été déclaré comme ne remplissant pas les conditions de sécurité optimales qu’à 10h25.

Le transporteur avait entrepris d’affréter depuis Londres un appareil, ce qui avait représenté de nombreuses contraintes administratives.

L’affrètement sur une autre compagnie n’aurait pu être fait qu’à 18h20 soit sans impact sensible sur le retard du vol.

Toutes ces circonstances ont conduit les juges du quai de l’Horloge à retenir les “circonstances exceptionnelles” du fait du foudroiement qui ont été suivies de mesures raisonnables prises par la compagnies.

La Cour rappelle que si le juge de proximité avait visé des “circonstances particulières“, il s’agissait bien des “circonstances exceptionnelles” du règlement qui étaient en cause.

En conséquence, les juges rejettent les prétentions des demandeurs au pourvoi.

Ce jugement a le mérite d’être parfaitement pédagogique.

Toutefois, on est en mesure de s’interroger sur l’opportunité d’une telle procédure.

En effet, l’indemnisation prévue par le règlement 261/2004 est forfaitaire  (250 € par passager en l’occurrence).

Il semble qu’une procédure devant la Cour de cassation annihile l’intérêt d’une telle indemnisation.

Ceci étant dit, cette décision a le mérite d’être limpide.