DIESELGATE : 5 ans après. Perspective européenne de l’affaire Volkswagen

Cela fait déjà cinq ans que le célèbre scandale du Dieselgate a éclaté ; une escroquerie qui a impliqué des millions de propriétaires de véhicules des groupes Volkswagen, Audi, Seat et Skoda.

Lesdites marques ont trompé leurs clients en leur vendant des voitures équipées d’un faux dispositif anti-pollution, augmentant encore plus la pollution mondiale déjà préoccupante. L’affaire s’est étendue à un grand nombre de pays où les personnes touchées se comptent par millions. Parmi les pays les plus touchés il y a :

Les États-Unis, le précurseur des actions en justice :

En 2014, le CARB 1 (Agence pour la qualité de l’air) commandait une étude sur l’émission de véhicules en conditions réelles de conduite ICCT 2 (Conseil international pour un transport propre). La Commission européenne avait, dès 2011, déjà signalé de graves écarts entre les émissions déclarées par Volkswagen et celles détectées lors des tests faits en conditions réelles de conduite. Finalement, le test a révélé que les véhicules émettaient jusqu’à cinq fois plus de NOx que ceux déclarés dans les tests de certification. Le 18 septembre 2015, l’EPA3 (Agence de protection de l’environnement) adressait un avis d’infraction (NOV) au groupe Volkswagen.

À l’époque, on estimait qu’environ 480 000 véhicules Volkswagen et Audi équipés de moteurs TDI de 2 litres, et vendus aux États-Unis entre 2009 et 2015, étaient équipés d’un “dispositif de désactivation”. Par conséquent, quelques jours plus tard, les premières actions collectives furent lancées dans le pays.

Après plusieurs mois de négociations, un accord de type opt-out (option de retrait) fut conclu, lequel fut approuvé judiciairement le 27 juillet 2016.

Il résultait de cet accord que le consommateur concerné avait deux options :

  • Volkswagen devait verser en espèces à la partie lésée une indemnité pouvant aller de 5 100 USD à100 000 USD dans des cas exceptionnels,
  • la société rachèterait le véhicule à sa valeur déclarée, quel que soit le dispositif de désactivation, ou bien elle le réparerait avec le software approuvé par l’EPA et le CARB.

L’accord contenait des règles détaillées quant à son exécution, le paiement des frais et des honoraires d’avocat, etc.

À ce jour, les litiges se poursuivent aux États-Unis. Ainsi, la plupart des États ont engagé des poursuites contre Volkswagen pour des dommages environnementaux, nombre d’entre elles ont abouti à des condamnations portant sur plusieurs millions de dollars.

 

Le Royaume-Uni, où une condamnation collective a déjà été prononcée

  • Lorsque la nouvelle de la fraude parvint au Royaume-Uni, s’engagea une forte concurrence entre avocats pour attirer les victimes de cette affaire.

Au final, quelques 91 000 victimes, représentées par de nombreux avocats, se regroupérent pour lancer une action collective devant la HCJQBD4 (Haute Cour de justice).

Après de nombreux incidents de procédure et plusieurs expertises, le juge Waksman rendit une décision interlocutoire, répondant aux questions suivantes :

  • La Cour est-elle juridiquement liée par la décision de l’autorité allemande d’homologation (KBA) à laquelle Volkswagen ne s’opposa pas et selon laquelle les véhicules du groupe Volkswagen équipés d’un moteur EA189 seraient dotés d’un dispositif de désactivation illégal ?
  • Est-ce un abus de procédure si les défendeurs cherchent à attaquer collatéralement le raisonnement ou les conclusions de KBA et VCA en niant que les véhicules concernés contiennent un dispositif de désactivation ?
  • Quand l’unité de commande du moteur (UCE) d’un véhicule est capable d’identifier le test du nouveau cycle de conduite européen et fonctionne dans un mode différent pendant le test en modifiant le taux de recirculation des gaz d’échappement pour réduire les émissions de NOx, le véhicule contient-il un “dispositif de désactivation” ?

Le juge Waksman  répondit par l’affirmative à ces trois questions.

Premièrement, la juridiction est liée par la déclaration de la KBA comme ayant autorité de la chose jugée. Deuxièmement, VW commet un abus de procédure en tentant d’attaquer cette décision de la KBA à laquelle elle ne s’est pas opposée à l’époque. Enfin, elle reconnaît que les moteurs EA189 sont équipés d’un dispositif de désactivation (5).

Toutefois, Volkswagen nie toute responsabilité, en indiquant que cette décision ne détermine ni les types de dommages, ni la responsabilité, ni la causalité. Un procès est prévu aux alentours de mars 2022.

 

Allemagne, siège social du groupe Volkswagen

En Allemagne, lancer une procédure se révèle très coûteux. En outre, s’ajoute à cela l’inexistence, jusqu’à fin 2018, d’un moyen procédural favorisant les actions collectives.

C’est pourquoi seules des poursuites isolées furent engagées en 2016, 2017 et 2018. La plupart des décisions rendues furent d’ailleurs favorables aux demandeurs.

Grace à l’actualisation des lois fédérales en novembre 2018, la fédération allemande des associations de consommateurs (VZBV), conjointement avec l’ADAC (22 millions de membres), déposa la première action collective.

Au cours de cette période, ce sont environ 450 000 victimes qui ont rejoint cette action collective. La plupart étaient allemandes, mais certaines étaient originaires d’autres pays de l’Union européenne, tels que l’Italie, l’Espagne, la France, la Pologne, la République Tchèque, etc.

Cependant, la demande de la VZBV était exclusivement fondée sur le droit allemand, de sorte que des doutes sont apparus quant à l’applicabilité de ce même droit allemand aux personnes originaires des autres pays.

Profitant de cette incertitude, Volkswagen à, en février de cette année, à l’insu du tribunal, conclu un accord avec la VZBV, dans lequel elle s’engageait à dédommager financièrement quelques 260 000 victimes de nationalité allemande, les autres étant exclues non seulement de l’accord mais aussi de la poursuite de l’action collective.

Dans ledit accord, Volkswagen s’est engagée à verser aux personnes concernées une somme de quelque 830 millions d’euros, équivalent en moyenne à quelque 3 200 euros par véhicule.

Cependant, les parties exclues de cet accord avaient la possibilité, dans les six mois suivant la fin de l’action collective pour cause de transaction, d’engager une action individuelle pour faire valoir leurs droits.

En outre, le tribunal jugeait que tout propriétaire d’un véhicule affecté avait droit à un dédommagement, qu’il pouvait restituer le véhicule et recevoir, de la part du constructeur, un remboursement partiel de celui-ci selon le kilométrage du véhicule.

 

Conclusions :

Enfin, en ce qui concerne les demandeurs non allemands, et en particulier les demandeurs espagnols, il est intéressant de souligner le débat juridique qui se pose quant au droit applicable et à ses conséquences. VW affirme que pour les demandeurs non résidant en Allemagne c’est le droit de l’État de résidence qui s’appliquerait, profitant ainsi des faiblesses de chaque système.

Cinq ans plus tard, l’affaire du Dieselgate nous montre combien, en matière d’action collective de consommateurs européens, les moyens existants sont loin de les protéger suffisamment.

Sur plus de dix millions de propriétaires de véhicules concernés dans le monde (qui équivaudrait à une indemnisation totale d’environ trente milliards d’euros), le groupe Volkswagen va en dédommager moins de 5 %.

Notre Cabinet d’avocats BCVLex, composé d’experts en matière de responsabilité du fait des produits défectueux et de protection des consommateurs, fait également partie de la Agrupaciٕón de Afectados por Volkswagen (groupement d’avocats à l’origine de l’action collective lancée en Espagne) à laquelle les personnes affectées peuvent toujours adhérer. N’hésitez pas à nous contacter pour obtenir de plus amples informations.

(1) California Air Resources Board

(2) International Council on Clean Transportation

(3) «Environmental Protection Agency» de EE. UU.

(4) High Court of Justice Queen’s Bench Division

(5) Article 3, §10 du Règlement CE n° 715/2007

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