Accidents ferroviaires à répétition en Afrique subsaharienne : de lourdes catastrophes causées par le manque d’entretien

Les accidents ferroviaires sont fréquents en Afrique subsaharienne, dont les réseaux ferroviaires mis en service à l’époque coloniale n’ont été que peu entretenus depuis l’indépendance des différents États.

Le 16 avril 2017, 14 personnes ont perdu la vie et 3 ont été blessées dans un énième accident ferroviaire survenu en République Démocratique du Congo, dans la province du Haut-Lomami, à 80 km de Kamina sur l’axe Kamina-Kabongo.

Déjà, le 7 juillet 2016, deux personnes avait trouvé la mort lors du déraillement du train de la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC), a proximité de Mwadi Kayembe, toujours dans la province du Haut-Lomami. Quatre personnes avaient également été blessées dans cet accident.

Le 22 avril 2014, un train de cette même société, composé de 19 wagons, avait déjà déraillé, causant la mort de 48 personnes et en blessant 160 autres. Le moteur du train et la vétusté des installations sont pointés du doigt.

Les accidents ferroviaires similaires se suivent et se ressemblent en Afrique subsaharienne.

En Côte d’ivoire, un déraillement survenu le 6 septembre 2016 n’a heureusement pas fait de victimes mais les clichés de l’accident demeurent impressionnants

Au Cameroun, à l’occasion travaux de renouvellement des rails ont, le 8 mars 2017, un train a heurté mortellement de nuits 3 personnes.

Le plus meurtrier des accidents de ces dernières années reste la catastrophe ferroviaire d’Eseka au Cameroun, Il s’agit du déraillement du train 152 de la Cameroon Railways (Camrail) reliant Yaoundé à Douala, les deux plus importantes villes du pays.

Officiellement, 79 victimes sont à déplorer outre 550 personnes blessées mais le bilan est largement controversé. D’autres sources évoquent un bilan beaucoup plus lourd en raison de la forte affluence de voyageur sur cette ligne en raison de l’écroulement d’un pont routier reliant Douala à

La société ferroviaire Camrail est contrôlé à 77,4% par le groupe Bolloré, dont le siège est à Puteaux (Hauts-de-Seine) et à 5,3 % à Total Cameroun sans oublié que l’Etat camerounais en détient lui aussi 13,5 %.

A la suite de l’accident, une commission d’enquête a été créée par Paul Biya, au sommet de l’État depuis 34 ans, et plusieurs enquêtes ont été ouvertes. Le conducteur du train a été interpellé. Quant au groupe français Bolloré, actionnaire principal de Camrail, il affirme avoir diligenté une procédure interne ; le président de Bolloré Africa Railways pointe la vitesse excessive du train.

Les observateurs internationaux déplorent le manque de transparence du régime en place ainsi que la toute-puissance du Groupe Bolloré au Cameroun – et en Afrique en général, disposant d’une concession ferroviaire depuis 1999 pour une durée de 35 ans ainsi que son statut d’opérateur du terminal du port de Douala (capitale économique camerounaise) pour une durée de 20 ans, révisable en 2020.

Un rapport sur les causes de l’accident a été rendu en janvier 2017 et pointes une conjonction de défaillances de Camrail. Les dirigeants de l’entreprise se défendent quant à eux en alléguant que l’expert auteur dudit rapport, aurait été en conflit avec Camrail qui l’aurait licencié…

De nombreuses familles de victimes ont porté plainte contre Camrail au Cameroun.

Le dossier a également été soulevé devant les juridictions françaises : initialement, une action a été engagée devant le TGI de Nanterre, lieu du siège de Bolloré Africa Railways, mais au début du mois de février, le parquet s’était déclaré incompétent faute de victime dans son ressort.

Le 13 mars 2017, Nadine Berthelemy-Dupuy, le Doyen des Juges d’Instruction de Créteil, dans le ressort duquel est domiciliée une victime, a ouvert une instruction au sujet de la catastrophe ferroviaire d’Eseka après la plainte contre X déposé par le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P) et le Syndicat National des Conducteurs de Train du Cameroun (SPTC) au nom de ladite victime le 17 février 2017.

Deux autres plaintes, une à Nice, lieu de résidence d’une victime française décédée et à Saint-Nazaire, où une victime française a été blessée, ont également été déposées à la suite de l’accident ferroviaire.

La justice française va se pencher sur les chefs de « tentative de meurtre », « homicide involontaire », « mise en danger d’autrui », « blessures involontaires », « non-assistance à personne en danger ».

En outre, seront également examinées les conditions d’attribution de la concession de l’activité ferroviaire à Camrail en 1999, filiale du groupe Bolloré, faisant suite à une autre plainte.

Il faut rappeler ici qu’il est fait application de la loi pénale française sur le fondement de l’article 113-7 du Code pénal qui la prévoit pour tout crime commis par un français ou un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est française.

Ainsi, tout voyageur peut attraire devant les juridictions répressives françaises le présumé responsable d’un accident.

Il est à noter que l’indemnisation peut être sollicitée au cours de l’instance pénale, une fois qu’une instruction est ouverte, via la constitution de partie civile. Toutefois, aucune indemnisation définitive ne saurait être accordée dans l’attente du jugement pénal ; seule des provisions peuvent être accordées.

Il existe également la possibilité de soumettre ses prétentions indemnisatoires devant une juridiction civile, indépendante de la juridiction pénale, toutefois, là encore, un principe de droit français veut que « le pénal tienne le civil en l’état », signifiant qu’il ne peut être statué définitivement dans l’attente du jugement pénal statuant sur les responsabilités.

Cette action peut permettre d’engager des négociations avec l’assureur des responsables ; toutefois, les offres ne sont pas nécessairement à la hauteur des responsabilités présumées.

Il est également à noter que dans le cas d’accident survenus à l’étranger, si tant est qu’un fait matériel, volontaire ou non soit constitutif d’une infraction (crime ou délit), il existe un fond de garantie nommé FGTI qui permet d’indemniser les victimes d’infraction en France mais également à l’étranger, s’ils sont de nationalité française. La procédure doit être diligentée devant la CIVI, du domicile du demander ou du ressort de la juridiction répressive saisie (il existe une CIVI au sein de chaque TGI). Le Fonds, dont les ressources proviennent d’une cotisation sur chaque contrat d’assurance des français (solidarité nationale), des placements de ces sommes et des recours subrogatoires contre les auteurs des infractions, peut indemniser en l’absence de poursuites pénales et avant l’aboutissement des poursuites le cas échéant.

Il relève de la stratégie de chaque dossier d’opter pour l’une de ces voies, selon sa configuration, ce qui requiert d’être assisté par un avocat comprenant toutes les subtilités du dossier et rompu aux négociations avec les assureurs.

BCV Lex plaide pour le respect de la liberté de choix de leurs avocats par les victimes ; ce choix doit être fait de manière éclairée et comparée, ainsi qu’en toute indépendance, non dans la précipitation de l’immédiat après accident, ni sous l’influence d’un quelconque organisme se présentant comme spécialisé, quels que soient les mérites qu’il indique se voir attribués.